Morio AWAZU Université d’Osaka Japon

Citation sur Klimek:

« De la liaison de ses couleurs caractéristiques et de la succession persistante du monde intérieur du peintre, se compose son univers extraordinairement enchantant lié à son expérience de la Vie. Contempler ses derniers tableaux est pour moi un immense plaisir des yeux et de l’esprit. »

Morio AWAZU, Université d’Osaka.

Article sur Georges Matoré

Article sur GEORGES MATORÉ grand amateur d’art qui a glorifié KLIMEK :

La Société pour l’Information grammaticale est dans l’affliction. Elle vient de perdre le 5 octobre 1998 l’un de ses premiers et plus énergiques soutiens. Georges Matoré, que sa maladie a emporté dans sa 90ème année à Menton. C’est là qu’il s’était retiré après une vie bien remplie de globe-trotter, d’administrateur et animateur, lui qui a été successivement doyen de la Faculté des Lettres de Besançon (1949-1952), directeur des cours de Civilisation française à la Sorbonne de 1953 à 1982 – et d’enseignant – professeur à l’université de Nanterre puis de la Sorbonne jusqu’en 1979. Sa disparition laisse un grand vide. Plus encore que le collègue ou le maître, c’est l’ami si peu académique, si humain et si drôle qui va nous manquer au quotidien. Notre seule consolation est de le retrouver vivant dans son œuvre dont la diversité et l’originalité ressuscitent la stature peu banale de l’homme.
Sa vie d’aventure se déploie dans deux romans autobiographiques. La Muselière (La Pensée universelle. 1973) et Mes prisons en Lituanie (Éd. du Griot. 1991) qui nous (ont découvrir des aspects peu connus de la seconde guerre mondiale, à travers les tribulations authentiques de ses personnages. Elle se révélé aussi au fil des pages de ses albums de croquis, de portraits et d’aquarelles qui ont fixé ses multiples impressions de voyage à travers tous les pays que lui a tait parcourir sa fonction de directeur des cours de Civilisation Française. Dessinateur, il l’était par héritage paternel et par sa formation première d’artiste décorateur diplômé de l’école Boulle après son certificat d’études. Mais, seuls ses proches se souviendront de l’étonnant parcours qui l’a conduit à apprendre plusieurs langues en grande partie en autodidacte engagé dans les grands combats de son époque, de la révolution d’Espagne à la deuxième guerre mondiale. Il découvre d’abord l’arabe lors de son service militaire, en Afrique du Nord. Il en poursuivra l’étude aux Langues orientales, où il entre sur concours n’ayant pas fait d’études secondaires. Son diplôme d’arabe maghrébin et classique obtenu en 1933 lui donne l’équivalence du bac et lui ouvre rentrée de la Sorbonne, où il obtient sa licence ès lettres. Mais, en 1938 les événements l’empêchent de rejoindre le poste de lecteur qu’il avait obtenu à Bagdad et le conduisent en Lituanie ou il apprendra le lituanien. La guerre le rattrape et la police politique russe, le N.K.V.D.le condamne à huit ans de travaux forcés. Il réussira à s’évader, après une captivité d’un an (octobre 1940-juillet 1941) où il survivra en apprenant le russe et des centaines de vers en plusieurs langues qu’il aimait toujours réciter entre le dessert et le café.
De l’amateur d’art, fervent des musées et des expositions, il nous reste également un film. Rendre visible, initiation à la peinture abstraite. Le musicien, violoniste, secrétaire des Concerts Lamoureux de 1935 à 1938, nous laisse Musique et structure romanesque dans La Recherche du Temps perdu de Marcel Proust (en coll. avec I. Mecz, Klincksieck. 1970). Mais seuls ceux qui ont participé aux nombreux stages qu’il a organisés à l’étranger et aux cours de Civilisation à la Sorbonne se rappelleront ces extraordinaires séances au cours desquelles l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne accueillait, bien avant 68, Serge Lifar et ses danseurs, des artistes comme Serge Baudo. Madeleine Robinson. Jacques Tati et tant d’autres. Qui a pu oublier la bousculade des journalistes quand Dior a présenté la mode avec plusieurs mannequins, au grand dam de l’Université qui lui a adressé un blâme pour avoir introduit les marchands dans le temple de la culture.
Sa vie intellectuelle, elle, se développe aux confins de l’histoire, de la sociologie, de l’anthropologie (qu’il découvre en allant suivre les cours de Mauss) et de l’étude du vocabulaire, dont il extrait ce qu’il nomme des mots clès et des mots-témoins. Après toute une série d’éditions critiques : La Préface de Mademoiselle Maupin (Droz, 1947) qui a constitué sa thèse secondaire, et Émaux et Camées (Droz. 1947) de Th. Gautier, Manon Lescaut (Droz. 1947) de l’abbé Prévost et enfin les Œuvres complètes de Molière (en coll. à l’édi¬tion Michaud. 1948). il publie sa thèse d’État. Le Vocabulaire et la société sous Louis-Philippe (Droz. 1951) qui substitue une vision sociolinguistique à l’étude des hapax alors pratiquée par les univer¬sitaires. Puis, en 1953. La Méthode en lexicologie (Didier) ouvre la voie à une nouvelle approche des faits de civilisation fondée sur le vocabulaire, la lexicologie, que Georges Matoré utilisera pour explo¬rer à la fois le monde contemporain, dans L’Espace humain (La Colombe. 1963. rev. Nizet. 1976). le Moyen Âge. dans Le Vocabulaire et la société médiévale (PUF. 1985) et le xvi* siècle dans Le Vocabulaire et la société du xvi ième siècle ( 1988). Par ailleurs, il mène de front une réflexion sur les dictionnaires, avec son Histoire des dictionnaires français (Larousse. 1957) et une expérience de lexi¬cographe qui aboutira à la publication du Dictionnaire du Vocabulaire essentiel (Larousse. 1958).
Que ses enfants et sa femme, qui en l’assistant chez lui jusqu’au dernier moment lui a permis d’avoir une fin à la hauteur de sa vie soient assurés que nous partageons tous leur douleur et que Georges Matoré a gravé dans nos mémoires le souvenir de sa personnalité chaleureuse, hors du commun.

Pour le Conseil de l’Information grammaticale
Irène TAMBA

George Matoré qui avait glorifié Klimek

George Matoré Directeur du Dpt de Civilisation Française

Musique

« Polonais né à Cracovie en 1912, Ludwig KLIMEK y fut licencié de l’Académie des Beaux-Arts avant de venir en France en 1939.
Il y travaille depuis cette date.
Les liens sont ténus qui unissent nos deux Pays, nos cultures. La liste est longue des Polonais qui trouvèrent sur notre sol une terre d’élection, un climat propice à l’épanouissement de leur personnalité, à leur goût de la Liberté.
La Pologne est un pays rude.
Sans doute, KLIMEK a-t-il préféré la douceur méditerranéenne aux rigueurs de sa terre natale, mais il est certain qu’au-delà l’apparence, toute imprégnée des luxuriances latines, qu’il nous donne à voir, existe et subsiste cette véhémence lyrique, sarcastique et cruelle parfois, propre aux héros de la Légende Polonaise. Le Grand Frédéric nous a donné la Première Ballade dite de « Wallenrod » ; l’écriture de KLIMEK, dans certains de ses paysages et de ses petites compositions, témoigne de la même essence : lyrisme déchirant.
Arrivé en France en 1939, KLIMEK va au Musée du Louvre. Il regarde et découvre ce qu’on lui a enseigné à Cracovie : Le Titien, Goya, Rubens.
Mais c’est Poussin qui le fascine.
Et c’est vrai qu’il est fascinant de regarder Poussin, d’analyser et de sentir que cette architecture mathématique est la structure idéale à la représentation du mystère insondable de la condition humaine, de ses origines et de sa finalité.
KLIMEK a reçu le don de transmettre ce mystère, c’est pourquoi l’architecture, seule, le préoccupe.
Ce qu’il peint alors est ordonné, construit et il atteint à cet équilibre sans lequel il n’existe pas d’œuvre durable.
Il nous dit, dans un langage typiquement français, la chaleur crissante de la Provence, la volupté charnelle des baigneuses, les touffeurs de la pinède, la somptueuse splendeur des couchers de soleil.
La lumière noire de l’été,
Mais, peu à peu, KLIMEK se libère de cette discipline d’ordre.
La Pologne lyrique reprend le dessus.
Il nous dit ce que son instinct lui dicte.
La vision vécue devient rêve.
L’impossible devient possible : il le peint.
KLIMEK est un rêveur éveillé.
« KLIMEK élabore un espace nouveau qui fait songer à la fois au monde mystique de Kandinsky et à la rêverie organisée de la peinture française d’aujourd’hui…
Mais l’œuvre de KLIMEK n’a pas fini de nous étonner car elle est essentiellement un élan créateur, elle nous propose un constant va-et-vient entre notre moi le plus profond et le monde extérieur. »

G MATORE,
Directeur du Dpt de Civilisation Française à la Sorbonne

G Matoré Directeur du Dpt de Civilisation Française

Extrait de thèse « Les peintres polonais en France » Marta Chrzanowska Foltzer

Extrait de la thèse:

“CONVERSATIONS PROVENÇALES”
– LES PEINTRES POLONAIS EN FRANCE MÉDITERRANÉENNE DE 1909 À NOS JOURS.
ÉTUDE SUR LES INFLUENCES ET LES ÉCHANGES ARTISTIQUES.

présentée et soutenue publiquement par
Marta CHRZANOWSKA FOLTZER

Ludwik Klimek fut, lui aussi, un réfugié dans le Midi. Ses débuts ressemblèrent étrangement à celui de Blondel. Élève de l’Académie des Beaux Arts de Cracovie, il faisait également partie de cette jeunesse révolutionnaire qui rêvait d’établir un nouvel ordre social et se plaçait dans l’avant-garde de l’art. En 1939, il arriva à Paris, grâce à une bourse d’études. Il visita le Louvre et y découvrit Poussin et son “extraordinaire architecture du tableau”. Parmi les contemporains, il admirait la peinture de Matisse, à laquelle il fut éveillé par un de ses professeurs de Cracovie. Cette révélation fut d’ailleurs capitale pour la suite de son évolution. En 1940, Klimek vint se réfugier avec sa femme à Aix en Provence, dans une propriété au Jas de Bouffan. De nombreux dessins et les paysages à l’aquarelle proviennent de cette période où il découvrait sa terre d’accueil 11 . En 1943, il quitta Aix pour rejoindre les résistants en Savoie. Mais dès la fin de la guerre, il choisit le Midi comme lieu de vie.

Mon destin était tout tracé, se souvenait-il plus tard, j’ai décidé de partir à la découverte du Midi de la France et de m’y réfugier dans un passé qui, pour moi, représente la seule chose réelle, car toujours vivante avec ses légendes plus crédibles en tous cas que les tristes exemples d’un quotidien aux réalités sordides. (…) Je fuyais un monde cruel où, comme autrefois, les biographiques font état d’une exposition organisée à Aix en Provence à la Galerie Fouque en 1941. Nous n’avons pas trouvé de documents relatifs à cette exposition. bêtes fauves que les soldats faisaient avancer en première ligne sur les champs de bataille se retournaient parfois pour dévorer leur dresseurs…

Zielenkiewicz, Blondel, Klimek, ces trois peintres, arrivés dans la tourmente de la guerre en Provence, se rencontrèrent-ils à Aix? Est-ce par hasard qu’ils se trouvèrent presque au même moment dans la même ville? Nous nous efforçons de trouver la réponse à cette question mais les témoignages recueillis ne nous permettent pas d’affirmer avec certitude l’existence de liens entre ces trois artistes 13 (…)

These_CHRZANOWSKA