Klimek vu par son fils

Comme pour tout peintre authentique, le génie créateur et le talent de Klimek se manifeste dès son plus jeune âge. C’est à onze ans qu’il fait, à Skoczów en Pologne où il naquit en 1912, qu’il fait avec son maitre aquarelliste sa première exposition en 1912. Il croque avec virtuosité, personnages, animaux sur le vif et étudie avec minutie toutes choses de la nature qui l’intéresse.
Depuis longtemps les expériences sur la couleur sont pour lui une affaire sérieuse, pas étonnant que plus tard Picasso parlera des bleus de Klimek.
Il attire l’attention de ses maitres qui l’encourageront dans sa carrière des arts, et il étudie les Beaux-Arts à l’Académie de Cracovie dont il sort Licencié. Puis il viendra de réfugier à Paris en 1939 , où par recommandation amicale du peintre Vuillard, il obtient une bourse importante du ministère des Affaires Etrangères pour 39640F . C’est ainsi qu’il suit passionnément les enseignements les plus divers : Académie libres de Montmartre et de Montparnasse et de l’Ecole du Louvre.
Pendant la guerre fuyant l’occupation, il ne cesse de travailler et expose en zone libre, à Aix mais aussi à Chambéry en Savoie, encore sous le contrôle des Italiens et finalement à Paris à la libération.
Les compostions de cette époque sont marquées de l’empreinte de Cézanienne dont il est un admirateur. Son œil capte avec vivacité l’émanation lumineuse du volume coloré selon l’enseignement du grand peintre. Cela le mènera d’un impressionnisme « psychologique » (appelons ainsi celui qui ne se contente pas de saisir la qualité des éléments atmosphériques du moment, mais encore celle des éléments historiques, sentimentaux ou dramatiques de l’heure et du paysage) vers la recherche cubiste.
Ces derrières caractérisent le début de la période mentonnaise, de son installation sur la cote en 1947 jusque vers 1957. Mais la couleur revêt dans ce cubisme autant ou plus d’importance que la forme, dans une composition cependant extrêmement soutenue. Les surfaces aux tons chaud et doux, vert tamisés, ocres, terre de siennes, s’agencent avec les bleus, les jaunes et les vermillons. Ces dernières couleurs, rendues au silence, rendent l’atmosphère calme et reposée, malgré la pluie de soleil des scènes méditerranéennes, où n’est communiquée qu’une intense joie de vivre. On peut dire qu’un certain expressionisme de la sérénité et de l’amour, tout en demi teintes, est dans ses maternités, ses scènes de cueillettes (d’olives) provençales, la suite direct de son impressionnisme d’autrefois. Comme dans le « culture d’œillets (achat de l’Etat en 1951) qui ornait la résidence du Président René Coty à Menton.
La Peinture de Ludwik Klimek au premier regard nous éclabousse de sa truculence quasiment Rabelaisienne. Pourquoi dis-je Rabelaisienne ? Car elle est l’expression d’un immense amour de la nature sous toutes ses formes les plus ressenties par l’homme : hommage constant à la fécondité, à ce que la vie contient soit de léger soit de vigoureux, dans le froufrou d’une colombe porteuse de Paix ou dans le hennissement d’un cheval, amour de la femme qui n’est absente pratiquement d’aucune composition de Klimek , toujours entourée des symboles de vie : l’oiseau, la fleur, l’épi. Partout dans l’œuvre de Klimek nous trouvons la manifestation d’un profond humanisme.
Ainsi mes yeux se portent sur la Déesse de la Forêt, qui contient les divers éléments que nous avons dégagés. Un visage de Fée au regard tout à la fois mystérieux, maternel et serein, sur un corps sans jambes dont les seins dégringolent sur un abdomen presque bouddhique, un haras centrifuge au sens du ZEN : cette déesse immobilisée par son ventre figé me rappelle le mystère qu’évoquait ce titre lu pendant mes études mathématiques « De l’équilibre des corps piriformes » par Henri POINCARE.
En effet on trouve dans cette déesse bleue toute l’énergie sourde de la statique et de l’immobilité universelle, que porte en elle la trop lourde Reine de la fourmilière ou de la ruche, ou encore la Mère Universelle, symbole de fécondité comme cette eau calme dans laquelle elle baigne. Divinité tutélaire des premiers hommes des cités lacustres ou des habitants des forets, KLIMEK semble l’avoir tirée de la nuit des temps pour l’amener jusqu’à nous.
Voici maintenant un paysage méridional. Là nulle forme humaine. Seulement par quelques larges coup de brosse est évoqué la senteur chaude des collines brulées au couchant et quelques touches japonisantes font se dresser éparse la végétation méditerranéenne sous un soleil rouge.
Beaucoup plus légère les aquarelles : là , le spontanéisme extrême oriental atteint son paroxysme mais, pour servir une peinture d’Europe Centrale : l’oiseau au plumage multicolore fait le pendant aux fleurs vives et posées comme des ailes de papillon derrière lesquelles se repose une fougère esquissée au pochoir . Sous tous ses aspect l’œuvre de Ludwik KLIMEK est un perpétuel hymne à la vie, dans une époque où ses formes semble sans cesse s’éloigner de l’homme, prisonnier de l’environnement aride des villes où même celui-ci la détruit inconsidérément.

Daniel Klimek

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *